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28 mars 2001

Anne-Cécile Guilbard

Hervé Guibert, la photographie romanesque

L'oeuvre d'Hervé Guibert pose la question de la pudeur, de ce rapport au réel problématique que met en place l'ensemble de son écriture romanesque. On connaît notamment ses deniers romans, la " trilogie sidéenne " et cette écriture incisive pour décrire la maladie - " au scalpel ", a-t-on dit -. Il en va en effet de la précision des symptômes, des descriptions cruelles, d'une expression lucide comme autant de délations insupportables du tabou, la maladie qui doit se taire. Pourtant, ces récits (aussi bien que les précédents) ne relèvent pas du témoignage mais du Roman, de la Fiction. La particularité de l'écriture " pseudo-autobiographique " guibertienne consiste en une rhétorique du faux-semblant, un jeu d'égarement du lecteur : l'auteur avoue sans cesse chercher de nouvelles " postures de récit " ; la fiction simule le réel, l'intrigue mime une succession de faits, si bien que le procès décrit est en état de falsification permanente.

L'exemple de son film vidéo, La Pudeur ou l'impudeur, cristallise efficacement cette problématique par l'image : Guibert se filme au jour le jour malade, peu avant sa mort, il présente des images d'une cruauté indicible ; quelle pudeur ici ? Ce film relève également de la fiction proprement guibertienne : comme dans les romans, on observe la terrible clairvoyance de l'auteur mais avec le film, les procédés de manipulation du réel sont rendus manifestes : il s'agit de mettre en scène son propre corps, régler la caméra, définir le cadrage, avant de jouer son propre rôle : le personnage d'Hervé Guibert. De cette évidence se dégage la pudeur en tant qu'écart, distance par le travail de manipulation du réalisateur et d'interprétation du comédien, opérations sur le réel que l'on retrouve identiques dans l'écriture : Guibert auteur, et personnage : le réel, ainsi décalé, apparaît comme fiction.

La réflexion sur l'image photographique hante son écriture dès 1977, année où il inaugure la rubrique de critique photo au Monde qu'il assurera jusqu'en 1985. Parallèlement, il publie un an après La Chambre claire de Roland Barthes un recueil de textes à la première personne consacré à la photographie, L'Image fantôme. Quant à sa pratique de photographe - qui sera l'objet précis de notre analyse - il se définit comme amateur. On verra cependant que les clichés du Seul visage, album publié en 1984 aux éditions de Minuit, remettent en jeu ce même principe de fiction propre à l'écriture : le romancier-photographe se veut pudique en exhibant l'image de ses proches, inconnus ou reconnus (de sa mère à Michel Foucault), de cette pudeur qu'implique la distance de la fiction, et fait apparaître en lieu et place de ses modèles le portrait de personnages du Roman Guibertien.

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