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28 novembre 2001

Texte de Gilles Saussier extrait de : "Du reportage au jardinage", Des territoires en revue, n° 3, avril 2000, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, p. 48.

Pictures tell aiment à dire les zélotes du reportage. Les images parlent. De quoi au juste ? Au premier chef, de la tradition iconographique occidentale des médias de masse et de son hégémonie mondiale. Les photographies d'actualité sont pleines des cadavres ou des fantômes d'images qui les ont précédées, et, plus que le "choc" supposé, c'est ce qui les rend écœurantes, monstrueuses. La photographie de David Turnley de la guerre du Golfe, premier prix au World Press en 1991, est ainsi l'exact concentré de deux images célèbres de la guerre du Vietnam, prises par Larry Burrows à Da Nay et publiées dans Life en 1965.

Les photographies de reportage sont des images-gigognes, images qui se donnent pour une condensation de l'événement lui-même, un concentré de signification historique, alors qu'elles sont des condensés iconographiques, réalisés au prétexte de l'information. Ainsi va le monde en larmes qui fournit au monde du reportage les occasions d'une actualisation perpétuelle de son histoire canonique. Que nous dit la madone d'Hocine de la réalité du massacre de Bentala selon toute vraisemblance orchestré par la junte militaire algérienne ? Rien. Pouvons nous attribuer la douleur de cette femme, penser la complexité politique de cet événement ? Non. Son seul mérite : ressasser la tradition iconographique occidentale et l'actualiser au prétexte de l'événement. Qu'un photographe algérien en soit l'auteur illustre l'hégémonie planétaire de cette junk culture visuelle qui s'opère par l'entremise de la Fondation du World Press, de l'International Center of Photography (ICP), de la fondation Mother Jones. Loin de favoriser l'émergence d'idiomes photographiques indigènes, ces structures fabriquent un peu partout dans le monde des clones de James Nachtwey et de Sebastiao Salgado, une main-d'œuvre docile qui maîtrise parfaitement le cahier des charges des grands magazines occidentaux.

En 1994, j'ai voulu m'extraire de ce conditionnement d'images. Je ne voulais plus coaguler des personnages anonymes dans une histoire des images qui n'est ni la leur ni la mienne.

J'ai démissionné de l'agence Gamma en 1994. Je me suis installé au Bangladesh. Mon premier projet documentaire, Vivre dans la marge (Living in the fringe, figura 1998), rassemble des témoignages et des portraits de paysans des zones géographiques extrêmes du delta du Bangladesh. Les images sont pour l'essentiel des gros plans de sols et de visages.

J'ai cherché à fermer le cadre le plus possible pour étouffer les fantômes d'images. De retour en France, je sens désormais que je peux l'ouvrir à nouveau, mettre de la vue, du paysage dans mes images.


Gilles Saussier est également l'auteur d'un article dans le numero 71 de la revue "Communications" : Situations du reportage, actualité d'une alternative documentaire, pp. 307-331


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