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21 janvier 2004

Claude Frontisi

Du manifeste au programme

« Tout pour moi devient allégorie. » Charles BAUDELAIRE

Les premiers manifestes picturaux font leur apparition dès 1890. Creusets de la réflexion et de la démarche organique d’artistes non-conformes, ils portent également les principes novateurs, élaborés en commun, à la connaissance d’un public peu réceptif. Ils formalisent à leur manière les perspectives d’une révision plus générale des systèmes de référence et de pensée et condensent les expressions spécifiques de la démarche “moderne”. Autour de 1910 les proclamations futuristes italiennes et russes enfoncent le clou dans le “modernisme” agressif et intransigeant de la tabula rasa. Ils précédent ainsi Dada, art en manifeste permanent, syndrome du temps de guerre.
La “drôle de paix” pérennise ce type d’expression/communication. Les deux textes principaux, bien que ralliant différents acteurs, sont avant tout l’œuvre de deux individualités : André Breton et Piet Mondrian. Le Manifeste du surréalisme (1924) dirige sa réflexion vers les lointains de l’inconscient. C’est au contraire d’une logique apparemment implacable que semblent procéder les principes du Néo-plasticisme publiés à partir de 1921 et condensés en 1927 dans la revue De Stijl (cf. infra), non seulement manifeste mais aussi programme –voire programmation. C’est le point de vue que je préciserai dans le second temps de ce séminaire.

Claude Frontisi

Manifeste : • v. 1190 ; lat. manifestus « pris sur le fait »
Programme : • 1677 ; « description détaillée d'un cours ; sujet d'un concours » ; rare av. XIXe ; gr. programma « ce qui est écrit à l'avance »

Le moyen plastique (Piet MONDRIAN, De Stijl, 1927)

1. Le moyen plastique doit être le plan ou le prisme rectangulaire en couleur primaire (rouge, bleu, et jaune) et en non-couleur (blanc, noir et gris). Dans l'architecture, l'espace vide compte pour la non-couleur, la matière peut compter pour la couleur.
2. L'équivalence des moyens plastiques est nécessaire. Différents de dimension et de couleur, ils seront néanmoins de même valeur. L'équilibre indique en général une surface grande de non-couleur et une surface plutôt petite de couleur ou de matière.
3. La dualité d'opposition dans le moyen plastique est exigée de même dans la composition.
4. L'équilibre constant est atteint par le rapport de position et exprimé par la ligne droite (limite du moyen plastique) dans son opposition principale.
5. L'équilibre qui neutralise et annihile les moyens plastiques se fait par les rapports de proportions dans lesquels ils sont placés et qui causent le rythme vivant.

Le néo-plasticisme (Yves-Alain BOIS, exrtrait de l’article “Mondrian”, Encyclopaedia Universalis)

Le principe du néo-plasticisme, que Mondrian nomme aussi « principe général de l’équivalence plastique », est une manière de dialectique imitée grossièrement de Hegel qui ne concerne pas seulement les arts plastiques ni même les seuls arts, mais toutes les activités de l’homme, ses productions culturelles, sa vie sociale et même sexuelle. C’est un dualisme dont le but est de dissoudre toute particularité, tout centre, toute hiérarchie : toute harmonie qui n’est pas double, constituée par une « opposition équivalente », n’est qu’apparence. Tout ce qui n’est pas « déterminé par son contraire » est « vague », « individuel », « tragique ». Au rejet de la grille fait suite un certain retour à ce qu’on pourrait nommer une forme de composition traditionnelle (équilibrage des éléments picturaux dans un tout non hiérarchique). Les textes de Mondrian à cette époque parlent de repos universel, de balance absolue, et rêvent d’une société future, parfaitement équilibrée, où chaque élément sera « déterminé ». On peut en sourire aujourd’hui, mais ces textes font comprendre pourquoi Mondrian se crut obligé d’élaborer toute une utopie architecturale (prédisant la fin de l’art dans l’architecture-en-tant-qu’environnement) : dans sa lutte contre le « particulier », Mondrian ne peut que souhaiter la fusion généralisée (de la toile avec l’intérieur de la maison qu’il faudra lui aussi considérer comme une forme d’« art », c’est-à-dire comme un tout abstrait non hiérarchisé, de l’intérieur avec la maison tout entière, de celle-ci avec la rue, de la rue avec la ville, etc.). Chacune des toiles néo-plastiques de Mondrian est considérée par lui comme un « substitut de l’ensemble », comme un modèle théorique et microcosmique d’un macrocosme à venir. La peinture a été réduite à un ensemble d’éléments incompressibles, « universels » (les plans de couleur primaire qui s’opposent aux plans de non-couleur –gris, noir, blanc ; les lignes verticales qui s’opposent aux lignes horizontales tout en arraisonnant les divers plans qu’elles délimitent à la surface de la toile), et ces éléments sont indéfiniment combinés en totalités indépendantes devenues le chiffre d’un univers d’où tout mouvement a été banni.

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